Ce que je ferai ici
aura au moins le mérite de ne ressembler à personne,
parce que ce sera l'impression de ce que j'aurai ressenti,
moi tout seul.
Claude Monet
Il y a dans nos villes, par chance, des espaces qui nous font du bien. Nous avons tous nos préférés et il s’avère que ce sont souvent des espaces de nature, un parc, un bout de forêt. Ces espaces ont pris un statut particulier ces derniers mois : ils représentent un espace public que nous pouvons encore visiter presque librement.
Pour cette cinquième pratique buissonnière,
Nous vous proposons de retracer une de vos balades sous la forme d’une cartographie sensible. Vos déambulations, ainsi cartographiées, seront compilées pour que nous les assemblions dans un grand carnet d’invitation au voyage…
Pas à pas
Pour commencer, prenez le temps de décider si vous voulez faire votre carte seul·e ou en groupe. Ensuite, pensez à votre sujet : vous pouvez prévoir un parcours en amont, faire votre marche habituelle, faire une exploration improvisée dans votre quartier, dans la forêt, dans un parc ou même dans votre maison (en parcourant un chemin connu uniquement par la pensée et les souvenirs par exemple) ! Plusieurs possibilités s’offrent ensuite à vous pour organiser vos déambulations et explorations.
Soit, vous prenez votre support (carnet, feuille, format libre) avec vous.
Notez, dessinez, relevez des empreintes en les organisant par fil conducteur : gardez un ordre dans vos dessins, cela peut être de retracer votre parcours comme sur une carte et d’ajouter vos observations aux bons endroits.
Par exemple : vous décidez de dessiner une feuille tombée par terre, vous la dessinez à l’endroit où vous êtes sur le parcours. Libre à vous de transcrire ce que vous préférez et comme vous le voulez, cela peut être du texte (vos pensées à ce moment-là, un mot dit par un passant qui vous touche…) ou bien du dessin (un nuage au-dessus de votre tête, un bâton, un arbre…) ou encore de la prise d’empreinte (relever en grattant votre feuille à l’aide d’un crayon sur une surface).
Les prises de notes peuvent être figuratives : je vois une feuille je la dessine, mais également subjective : comment dessiner que j’ai froid ? Comment dessiner la nuit ?
Soit vous ne prenez pas de quoi noter mais lors de votre marche : observez, sentez, mettez tous vos sens en éveil. Le but est de mémoriser. Une fois chez vous, retracez le parcours que vous avez fait d’un simple trait et apposer ensuite les choses qui vous ont le plus marqué (textes, dessins, empreintes…)
À noter que le rendu peut être réalisé en plusieurs fois : commencer la carte sensible, puis refaire la balade pour « créer de nouveaux souvenirs », revenir à la carte, etc.
Pour ceux qui ne sont pas familiers avec une technique en particulier, ce n’est pas un concours ! C’est une prise de notes des ressentis de votre balade, sentez-vous libres de vous approprier la réalisation (photographie, dessin, gravure, écriture, son, sculpture, vidéo…)
La finalité de cette mission consistera en la création de carnets reprenant les différentes cartes (carnet papier mais aussi pourquoi pas sonore ou audiovisuel). L’objectif serait ici de composer un carnet intime multiple à parcourir confortablement installé, afin de pouvoir profiter tranquillement des balades proposée en partage lors de l’exposition de fin d’année. Ses dimensions et son agencement seront décidés en fonction des cartes qu’il contiendra. Le dispositif de consultation de ce carnet sera pensé dans le but de favoriser une lecture intime : renouer avec les qualités du temps passé seul délibérément.
Pour cette mission, nous récolterons donc, soit des cartes qui seront intégrées dans un grand carnet, soit des carnets sous forme accomplie pouvant exister individuellement.
Ces cartes pourront être personnelles ou collectives, et de toutes les matières !
main dans la main avec les enfants...
La mission est bien sûr facilement adaptable pour les plus jeunes et sera l’occasion d’une belle balade en famille dans un parc ou dans la forêt!
l’arbre et la forêt
Dans son travail artistique, Mathias Poisson va notamment utiliser des objets, une branche par exemple, qu’il va porter à l’épaule pendant ses balades oisives. Il dira notamment que : « le paysage c’est comme un grand vêtement, un environnement qui nous entoure. L’objet va permettre de raconter plein de choses sur la relation à l’environnement et peut-être nous sortir de cette idée que le paysage est extérieur et que le corps est intérieur. Avec les objets qui se déplace en même temps que nous pendant qu’on se promène, il y a un bout du territoire qui se déplace, accompagne la marche. Il y a une frontière qui se déplace. »
La promenade est donc une occasion de s’approprier l’espace et de ressentir ce qu’il se passe quand nous devenons forêt, ou plutôt quand nous prenons conscience de l’être.
La plateforme baptisée “Sounds of forest” (“Sons des forêts”) propose une grande balade sonore à travers le monde dans la forêt de Sorreisa en Norvège, le parc national de Tamin Negara en Malaisie, ou encore la Blue River dans le Colorado aux États-Unis. Une carte sonore collaborative et inédite pleine de surprises.
un peu d’histoire de l’art pour les curieux
Carte sensible ? L’enjeu d’une « autre cartographie » est celui d’un autre territoire. Faire une carte « différente » c’est donner à voir et penser un territoire différent. C’est ce que se proposent de faire les artistes et les cartographes de tous bords que l’on peut regrouper sous la famille de la cartographie artistique et sensible. La carte sensible et artistique se propose de changer de fonction par rapport au territoire. Elle abandonne l’ambition objectivante, caractéristique de l’activité scientifique moderne, elle ne cherche plus à représenter le monde de la manière la plus juste pour qu’on puisse s’y repérer. Il ne s’agit pas de passer de « l’objectif au subjectif » mais bien plutôt de changer d’objectif, d’ambition, de visée.
Si la cartographie classique veut permettre de situer les éléments topographiques les uns par rapport aux autres pour permettre de se diriger efficacement dans le monde, de ne pas s’y perdre, autrement, et pas vraiment contrairement non plus, la carte sensible cherche à rendre compte d’une expérience du territoire. Elle devient un outil de travail pour l’aménageur.
Il existe plusieurs voies géographico-artistiques pour rendre compte d’une expérience territoriale. Elles construisent le large spectre des cartes sensibles : les cartes subversives, (contrer une représentation territoriale pour des raisons politiques), les cartes typographiques (faire un usage graphique de la typographie), les cartes affectives (rendre compte d’un vécu territorial), les cartes sonores, tactiles, olfactives, gustatives (montrer la diversité sensorielle du vécu territorial). Les cartes d’imaginaires (montrer le symbolique et l’imaginaire)…
- cit.polau.org
Mathias Poisson est un plasticien et performeur. Ses recherches théoriques et artistiques s’articulent autour des pratiques de promenades urbaines. Auteur d’un guide touristique expérimental, dessinateur de cartes sensibles, guide de visites publiques et aventureuses, il questionne les modes de représentation de la promenade autant par l’écriture et l’image que par la performance. Il invite sous toutes les formes possibles à la marche oisive et attentive. Exposition vastes parages
Le graphiste et artiste atypique Paul Cox compte parmi les créateurs majeurs de notre époque. Il s’intéresse aux combinaisons, au hasard et on retrouve dans son travail une obsession pour les codes, les structures et les trames. Il se passionne pour toutes les techniques d’impression, qu’il utilise plus à des fins de production expérimentale que de reproduction – par exemple, sa série de cartographies modulaires A Sentimental Journey et La Carte du tendre perpétuel. – cit. lestroisourses.com
Nikolaus Gansterer, est un artiste, performeur et un chercheur s’intéressant aux les liens entre le dessin, la pensée et l’action. Sa pratique se fonde sur une approche de la représentation cartographique. Il se concentre sur le processus de de cartographie de l'éphémère en développant des modes expérimentaux de notation et de traduction. Dans son travail Maps of Bodying, il explore le seuil imaginaire entre la nature et la culture, l’art et la philosophie… Ce sont principalement des parchemins à la taille du corps, a travers lequel l'artiste étudie la façon dont une ligne qui commence dans l'esprit peut tracer le bras, la main et conduire à des mouvements et des traces sur le papier.