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terre sigillée (ou la couleur du feu)

Pour moi, la façon de faire quelque chose fait intégralement partie de sa signification… et cela inclut, entre autres, le vocabulaire de l’exécution.
Sebastian Blackie, céramiste

Les techniques actuelles de céramiques, façonnées par des milliers d’années et de mains, se sont souvent éloignées de la simplicité d’antan.
Argile du creux de la rivière et feu de bois ont laissé la place aux émaux artificiels et fours électriques gourmands en énergie.
Avec la terre, l’eau et le feu comme matières premières, cette discipline ancestrale nous plonge dans l’essence de la vie.
S’initier à la céramique, c’est inexorablement se questionner sur le temps qui passe, ce qui dure, ce qui casse et ce qui restera dans la poussière du vent.

Aux Ateliers de la rue Voot, chaque jour, animateurs et animatrices transmettent et partagent l’art de la céramique.
Fidèles à leur engagement de toujours, chaque geste est pesé et questionné.
Peut-on créer des émaux utilisables à plus basse température?
Quels oxydes pourraient être supprimés et remplacés?
Comment recycler la terre?
Comment modeler aujourd’hui le futur futé de demain?

Afin d’explorer encore plus loin ces questions, Romain Silvy, animateur et céramiste, proposera cette saison un atelier à la découverte de la terre sigillée, un savoir-faire présent depuis l’antiquité et consistant à appliquer une très fine couche d’argile sur une pièce en céramique: la sigillée.

Romain, peux-tu nous raconter brièvement l’histoire de la terre sigillée?

La création de la sigillée résulte de la présence d’argile en mouvement dans l’eau (un processus appelé lévigation). Ce phénomène peut se produire naturellement dans les rivières, et nous pouvons imaginer qu’une sorte de boue très fine a probablement été découverte par un céramiste observant une rivière.

Indépendamment de cette origine, son nom provient du latin sigillum, qui signifie sceau, tampon, poinçon.
En effet, la majorité des pièces produites pendant l’Antiquité et utilisant ce «vernis argileux» comportent des estampilles (tampons). Ces sceaux ont donné le nom actuellement utilisé pour désigner cette technique.

Ce savoir-faire de la terre sigillée a été largement répandu entre -500 et 500 après J.-C., période où il a commencé à être remplacé par des techniques d’émaillage, en particulier venues d’Asie et du Moyen-Orient, avant de finalement disparaître.

C’est grâce à Pierre Bayle que, dans les années 70, les céramistes ont redécouvert cette technique. Cette méthode d’imperméabilisation des pièces n’est donc revenue que très récemment dans les ateliers des céramistes. Cependant, elle demeure marginale et peu développée, en grande partie en raison du manque de connaissance concernant cette technique. Actuellement, ce sont principalement les passionnés de céramique qui s’y intéressent.

Pourquoi la réintroduire aujourd’hui dans les ateliers céramique?

C’est avant tout la question de notre impact environnemental qui va orienter notre choix. En effet, cette technique nous amène à l’essentiel de ce dont nous avons besoin, c’est-à-dire de l’argile, de l’eau et du combustible, trois éléments que nous pouvons trouver dans notre environnement proche. Ce qui diffère d’une pratique plus classique qui nécessite des matières premières extraites, limitées et très souvent polluantes.

Bien qu’il y ait toujours des dépenses énergétiques liées aux cuissons, en étudiant les périodes de séchage, il sera possible de passer d’un mode en deux cuissons (mode traditionnel) à une mono-cuisson. On pourra aussi diminuer les températures de cuisson de 1200 à 1000°C. En effet, cet enduit composé de particules très fines va permettre une vitrification de la terre, sans émail et à de plus basses températures. Jouer sur les modes de combustibles utilisés (récupération de bois par exemple) est aussi une piste pour diminuer notre impact lors de la cuisson.

Important à avoir en tête, malgré le fait de se limiter avec les matériaux, on gardera un résultat très riche et varié en jouant sur les modes de cuisson et le choix des argiles. Les choix des combustibles, glanés autour de nous par exemple, appellera à différentes expérimentations.

Contrairement à 80% des émaux utilisés, qui vont relâcher à un moment ou un autre des éléments toxiques, ici il n’y aura aucune pollution et aucune précaution particulière à prendre en compte lors de la fabrication ou de l’utilisation des pièces – qui peuvent donc être des pièces utilisées en cuisine par exemple.

Cet atelier, il s’adresse à quel public?

L’atelier peut intéresser tout le monde et est techniquement très accessible.
L’essentiel sera surtout d’être curieux et d’avoir envie d’apprendre. On se concentrera sur l’essentiel de manière assez minimaliste donc des débutants peuvent trouver leur place dans cet atelier. C’est bien d’avoir quelques notions de céramique, car il y a une partie théorique un peu dense.
Et, c’est le cas de manière général aux Ateliers de la rue Voot, mais ici aussi l’objectif sera plus d’expérimenter et de tester plutôt que d’attendre un résultat précis.


découverte de la terre sigillée
du 8 avril au 3 juin 2024
le lundi de 14h à 17h30
module de 6 séances
Au programme: création de cette couverte argileuse, en plusieurs couleurs, réalisation de pièces céramiques à polir (tournage possible pour les personnes pratiquant déjà cette technique) et d’échantillons, cuisson spéciale en extérieur (les pièces seront enfumées, créant ainsi des effets uniques sur leur surface).

–> infos & inscriptions

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