Chemin faisant

Notre grand défi: faire un four sans faire un four, construire sans garantie, partir à l’aventure sans connaître la destination, mais s’approprier l’expérience. Et le succès a pris son temps, une nuit entière à attiser et surveiller.
Dix ou plus ou moins selon les heures, autour de notre paquebot de terre et de papier, à cuire des cailloux d’argile. 3, 9, ou 30, à se parler, rencontrer des accents, se coucher raz de terre, souffler sur les braises, émettre des hypothèses, se hisser sur la pointe, équilibre fragile pour jeter un œil dans le ventre de notre monstre silencieux, NOTRE FOUR.
Nuit blanche devant nous à veiller qu’il ne s’embrase pas. Se laisser surprendre soudain par une flamme rouge de gaz s’échappant comme un génie et entrer en poésie. Une nuit à traverser, comme dans la salle des machines, à entretenir un feu et attiser des braises, tenir jusqu’au bout pour ne pas décevoir cette grande entreprise. Veiller et rencontrer un promeneur de chats noctambules un élégant spéléologue, lampe frontale et costume, revenu de quelles aventures nocturnes, un couple, coureur automobile des amours secrètes, surpris par notre nuit festive et concentrée, des oies, des canards, des volatiles en tout genre, DJ des nuits de Woluwe-Saint-Lambert.
Reprendre la veille et détourner l’ondée par une tonnelle portée à quatre mains regarder les dormeurs s’effacer, rester, y croire, oui, avoir confiance en cette magnifique expérience jusqu’au matin où la bienveillance a déposé à l’aube un thé mâcha dans nos mains fatiguées où la générosité a livré café et couques sur la table fraîche de rosée s’éclipser alors jusqu’à l’ouverture du four, redevenir des enfants impatients, des adultes éblouis devant la bataille mystérieuse qu’ont livrée les éléments, parce que, oui, avec l’eau, la terre, le feu et l’air pas de doute, le résultat serait à la hauteur de nos espérances, des cailloux d’argile devenus pierres noires, brunes, mordorées. Voir les mines réjouies et les cœurs s’emballés devant ces œuvres si différentes.
Alors remercier, il y avait l’eau, la terre, le feu et l’air, l’essentiel quoi, et nous.
Nous, c’est beaucoup d’humanité, un joyeux mélange d’intuition, de patience, d’action, de partage, d’observation.
Alors merci, pour cet «Usage du monde» renouvelé.
Je ne savais pas à quoi m’attendre, mais je savais que ce serait inoubliable.

Hélène Guillot, qui a pris part très activement à l’aventure du four papier

 

À intervalles réguliers, les Ateliers de la rue Voot proposent un rendez-vous, une exposition ou une intervention dans l’espace public, un événement festif et fédérateur, la mobilisation d’artistes autour d’un projet ne s’inscrivant pas forcément dans son agenda habituel.

Ainsi au fil des ans un gigantesque four papier réalisé à l’occasion des Nuits Blanches de Woluwe-Saint-Lambert, Migration investissant les bords de la la Woluwe, Batwa réunissant des céramistes africains et belges, ou japonais avec Fukushima, ou encore Les animateurs s’exposent à la Médiatine.

Chemin faisant, retour sur une expérience collective

À l’heure où l’individualisme est porté aux nues dans tous les domaines et dans la plus grande confusion, les Ateliers de la rue Voot ont choisi de s’engager dans une aventure collective. Un peu, beaucoup et même passionnément, toute une communauté, des stagiaires, des animateurs, le personnel technique et administratif et des administrateurs se sont mobilisés pour porter un projet d’exposition qui repose sur les valeurs qui fondent l’association : création, participation, mobilisation et engagement.

À la Médiatine, que nous avons investi du 2 au 28 mai 2017 , nous avons proposé une fresque réalisée par les enfants à l’occasion d’une petite performance, les céramistes dans un grand geste collectif ont travaillé la terre crue mais aussi mené une cuisson nocturne dans un four papier, des photographes, regards en biais, ont arpenté la commune de Woluwe-Saint-Lambert, les cinéastes ont exploré les interstices du territoire alentours dans un film à plusieurs voix, les dessinateurs ont résolument travailler de concert, mêlant le geste, le trait et la couleur dans des itinéraires aléatoires…

Nous avons aussi invitez les visiteurs à découvrir le fruit de nos explorations autour de la thématique du chemin, mais aussi à participer à leurs pratiques d’atelier, à nous essayer à l’une ou l’autre discipline, à l’accrochage et la mise en espace de l’exposition, à les rejoindre pour une nuit de cuisson de céramiques autour d’un four papier…

Tout au long du mois de mai, la Médiatine et ses alentours se sont transformés, tantôt en laboratoire, tantôt en atelier, plus tard en lieu d’exposition, accueillant ici la projection d’un film, là une performance, une rencontre avec des artistes, des voyageurs, toujours et résolument en lieu de rencontre, de partage et d’échange.

Tout est parti cette fois de la volonté de s’investir collectivement et d’inscrire la démarche de la trentaine d’ateliers de la rue Voot dans une thématique commune de travail. Rapidement, c’est la thématique du chemin qui s’est imposée. À l’évidence, toutes les disciplines pourraient l’explorer, tous les ateliers pourraient s’en emparer et en donner une interprétation qui fasse sens.

Alors, à la manière des arpenteurs, des photographes s’en sont allé explorer la commune de Woluwe-Saint-Lambert, un territoire et ses contours, sa géographie; des sculpteurs ont balisé quelques itinéraires pour nous proposer une signalisation poétique du territoire, d’autres une forme de labyrinthe pour mieux nous égarer; des céramistes ont façonné des “cailloux” qu’ils ont déposé autour et alentours, d’autres ont dessiné une promenade traversant les saisons ou encore (re)tracé des chemins de vie; des cinéastes sont partis à la rencontre du paysage, son graphisme, ses occupants et ses histoires pour nous proposer au final un film à plusieurs voix; des cyclistes sont venus nous faire le récit de leurs voyages au très long cours à travers le monde; des graveurs ont inventé une cartographie imaginaire, voire une géographie mentale; des dessinateurs se sont lancés dans une improvisation collective éminemment aléatoire; les acteurs des ateliers développement durable nous ont invités à partager nos désirs et/ou nos expériences de voyages “différents” à l’occasion d’une rencontre; les stagiaires de l’atelier l’art de CéDer ont livré les premiers résultats d’un projet dédié à imaginer des filières de réemploi des CD.

Les enfants de la rue Voot n’ont pas été en reste: fresque collective, rassemblement d’une colonie de manchots en marche, création et disposition de cairns sur les chemins menant à la Médiatine…

La première semaine fut celle d’un laboratoire ouvert à tous, animé par les participants des Ateliers de la rue Voot qui poursuivent le travail entamé sur le chemin, et où chacun pouvait venir faire connaissance, voir ou s’essayer.

Au programme de la semaine, un atelier de modèle vivant ouvert à toutes et tous – passantes et passants -, la réalisation d’une installation in situ de l’atelier sculpture métal et la mise en place puis l’accrochage de l’exposition.

Cette semaine s’acheva en beauté avec, le 6 mai, l’inauguration de l’exposition, la construction d’un four papier et toute une nuit de cuisson (au petit matin, défournage suivi d’un petit déjeuner pour les plus courageux !)

L’invitation était de nous suivre sur les chemins de traverse pour emmener tout le monde, là où nous nous y attendions le moins. Nous avons découvert  des ailleurs insoupçonnés, des frontières qu’il convient de dépasser, des formes qui voyagent, des itinéraires imaginaires, des matières en mouvement et, même, quelques certitudes qu’il convient de réviser. Voici quelques témoignages recueillis en cours de route, chemin faisant.

Retour sur la réalisation collective d’un film documentaire Interstices

Lorsque nous avons assisté à la première projection de notre film collectif, nous avons été agréablement surpris par l’ambiance restituée et la cohérence du propos.
Le résultat final n’avait rien à voir avec ce qu’on aurait fait individuellement. Même si chacun se reconnait dans les images, prises de son, les contacts établis, les lieux visités, l’ensemble représente le travail de notre groupe. À partir de la contrainte thématique « Le chemin », nous avons rapidement choisi de nous concentrer sur le chantier du croisement du boulevard de la Woluwe et de la rue Voot, en nous intéressant particulièrement à l’impact des travaux sur la vie quotidienne des riverains. Nous avons échangé nos impressions et avons constitué des petites équipes chargées de se consacrer aux différentes séquences : le shopping center, la maison des aveugles, le boulevard en chantier et les potagers collectifs.
Nous avons écrit ensemble une note d’intention reprenant les thèmes qui nous intéressaient, c’est-à-dire le contraste entre les bureaux, le chantier et les zones naturelles protégées. Chaque étape a permis à chacun de développer des compétences techniques et d’affirmer sa sensibilité personnelle.
Ce travail a engagé une sélection collective d’images et de sons qui impliquait le renoncement à certaines de nos contributions individuelles. Cette expérience nous a permis de mieux nous connaître, d’apprécier le talent de chacun, de découvrir des lieux et de rencontrer des personnes singulières. Cette aventure collective s’est poursuivie jusqu’à la projection du film devant les protagonistes avec lesquels nous avons pu établir un dialogue. Le film est l’aboutissement d’une formation qui a permis à chacun d’exercer des techniques cinématographiques tout en favorisant un espace de confiance et de bienveillance entre les participants.

Des photographes et Woluwe-Saint-Lambert

Si chacun en s’engageant dans une (en)quête photographique collective y est allé avec ses préoccupations photographique de toujours, ils avouent être allés de découvertes en surprises, de remises en question en révélations. De retour de leurs pérégrinations, sur la piste des signes qui nous enjoignent autoritairement les voies à suivre, tirant des bords et navigant d’une réalité ou d’un contraste à l’autre dans une commune bruxelloise, s’immisçant dans un établissant scolaire, ou voyageant avec fraîcheur sur leurs lieux de vies tellement et trop balisés, nous les retrouvons un peu émerveillés, parfois surpris, débarrassés de quelques certitudes réductrices et grandis par l’addition de leurs regards.

On croit qu’on va faire un voyage mais bientôt c’est le voyage qui vous fait ou vous défait.
Nicolas Bouvier

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les dates

02-05.05.2017
ateliers ouverts et workshops à la Médiatine

06.05.2017
construction du four papier sur le parking de la Médiatine
vernissage de l’exposition

06-07.05.2017
cuisson toute la nuit et défournage
petit déjeuner
ouverture de l’exposition

jusqu’au 28.05.2017
exposition

jeudi 11.05.2017 à 18:00
rencontre Futur futé – voyager autrement

samedi 13.05.2017 à 10:00
rencontre Futur futé – balade gourmande et cueillette sauvage

dimanche 21.05.2017 à 10:00
balade à la découverte des chemins de traverse de Woluwe-Saint-Lambert